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Publié le 20 septembre 2008, modifié le 16 mai 2020

Préservons et développons les RASED : témoignage d’un professeur d’IUFM

Vous trouverez ci-dessous l’intégralité de la lettre d’André Ouzoulias, professeur àl’IUFM de Versailles, Département PEPSSE (Philosophie, épistémologie, psychologie, sociologie et sciences de l’éducation), àGérard TOUPIOL, président de la FNAME (association des maîtres E).

Lundi 29 septembre 2008

Mon cher Gérard,

J’imagine que vous êtes assommés par les dernières nouvelles (suppression de près de la moitié des postes d’enseignants spécialisés en RASED). Luc Ferry avait beau l’avoir annoncé, nous avions beau redouter depuis quelques jours que de telles coupes soient inscrites dès le prochain budget, je reste sans voix face àl’ampleur du fauchage. De plus, il faut maintenant considérer comme probable que le gouvernement ne s’arrêtera pas au milieu du gué et qu’il a déjàdécidé de supprimer l’autre moitié des postes de RASED dans le budget 2010.

C’est un saccage incommensurable : chaque maître spécialisé de RASED représente un trésor de compétences, un appui irremplaçable pour les maîtres et les équipes d’école. Je pense àGhislaine, àMartine, àFrançoise, àMagali… des maîtres E que j’ai côtoyés au cours de ces dernières années et qui m’ont tant appris et j’enrage ! Je pense àtous ceux qui, comme elles, ont acquis une authentique expertise diagnostique et pédagogique sur la grande difficulté scolaire, après des années d’expérience dans le travail auprès d’élèves qui ont des difficultés graves de toutes sortes dans les apprentissages scolaires. Et j’enrage ! Dans les écoles primaires aujourd’hui, personne ou presque ne sait vraiment faire ce travail.

Si on considère que chacun des 7 000 maîtres E et G de RASED sauve chaque année du désastre, ne serait-ce que 10 gamins de cycle 2, c’est 70 000 enfants qui, au lieu d’être soustraits àl’échec scolaire, seront bientôt pratiquement abandonnés àleur sort. Malgré toute la bonne volonté des enseignants (et elle est grande !), ce n’est évidemment pas deux fois 50 minutes de « soutien  » par semaine qui peuvent remplacer une prise en charge spécialisée E ou G, éventuellement au sein même de la classe. Comment croire que le gouvernement souhaite vraiment diviser par 3 le nombre d’élèves en grande difficulté face àl’écrit, s’il raye ainsi d’un trait de plume, sans aucun scrupule, un dispositif dont bénéficient les élèves les plus en difficulté ?

Et quelle économie fera-t-on finalement ainsi dans les divers budgets de l’État, si demain, ces 70 000 élèves se retrouvent aux limites de l’analphabétisme ? Combien de postes faudra-t-il créer en SEGPA dans quelques années ? Combien de classes-relais ? Et dans vingt ans, combien de pauvres, que l’on qualifiera d’« inemployables  » et pour lesquels on débattra pour savoir s’il vaut mieux un RMI, un RSA ou une quelconque autre allocation-pauvreté ? Et dans trente ans, combien d’enfants de ces personnes qui, àleur tour… ?

Victor Hugo disait : « Ouvrez des écoles, fermez des prisons  ». N’est-il pas curieux de constater que, dans le projet de budget 2009, on supprime des milliers de postes d’enseignants, tandis que le nombre de postes de gardiens de prisons est l’un des rares àaugmenter fortement ?

Xavier Darcos pense peut-être que, du fait que les effectifs moyens par classe ne monteront pas significativement et qu’il offre 2 h de « soutien  » aux « Ã©lèves-en-difficulté  », les parents ne s’apercevront de rien et ne diront rien. Mais pour cette fois, je crois qu’il se trompe. Les parents peuvent comprendre qu’il y a làune escroquerie. Si on leur explique qu’en supprimant les psy, les E et les G des RASED, le ministère prend, dans le domaine de l’éducation, une mesure qui reviendrait, dans celui de la santé, àsupprimer les spécialistes (ophtalmo, ORL, gastro, etc.) tout en proclamant que les généralistes sauront répondre aux besoins des patients, ils ne laisseront pas faire.

Les parents des élèves en situation de handicap doivent aussi savoir que la fin des RASED sera une entrave àl’intégration dans bien des écoles, làoù des élèves sont intégrés dans des classes ordinaires et où ils bénéficiaient de l’aide d’un maître E ou G au titre de la difficulté scolaire. Ils ne laisseront pas faire.

Le ministère dit : les maîtres spécialisés « pourront, au sein des écoles et dans le cadre de la nouvelle organisation de la semaine scolaire, traiter au mieux et en continu la difficulté scolaire  ». Il ajoute qu’« ils garderont leur indemnité spéciale  ». Je crains qu’il veuille rouvrir 3 000 classes d’adaptation àl’année, où l’on mettra les élèves les plus en difficulté, encadrés par les maîtres E sédentarisés. Même chose l’an prochain pour 3 000 autres classes. Pour l’instant, il y a des obstacles juridiques àune telle réforme. Mais aussitôt que la loi sur les EPEP sera adoptée (elle sera débattue en janvier), cela pourrait devenir licite, la classe d’adaptation d’un EPEP pouvant vraisemblablement accueillir des élèves qui relèvent actuellement de plusieurs secteurs scolaires.

Un tel projet n’aurait d’autre avantage que de faire des économies àcourt terme. Pour le reste, il serait anachronique et paradoxal : au moment où l’école fait un effort considérable pour intégrer les enfants en situations de handicap, nous serions le seul pays d’Europe àcréer des dispositifs pour externaliser le traitement de la difficulté. Y aura-t-il quelqu’un, au ministère, pour démentir cette tentation d’un retour déguisé aux classes de perfectionnement des années 1970 ?

Un observateur impartial aurait quand même peine àcroire que le gouvernement a pris cette décision uniquement pour des raisons budgétaires. N’y a-t-il pas d’autres raisons ? Le ministère a-t-il fait réaliser une évaluation du travail des RASED ? Les personnels des écoles, spécialisés ou non, ont besoin de le savoir. Les parents d’élèves et les citoyens doivent également être éclairés sur ce point, car il s’agit àla fois de l’avenir de dizaines de milliers d’enfants et de la gestion des deniers publics.

Quoi qu’il en soit, on se pose inévitablement beaucoup d’autres questions : À quoi ressemble ce pilotage de l’institution scolaire, quand on efface ainsi quarante ans d’histoire de l’adaptation scolaire sans aucun débat préalable ? Au moins, le ministre précédent, pour réformer tel ou tel volet de la politique scolaire, commençait-il par demander un rapport àdes IG ou àun universitaire ou par réunir des spécialistes lors d’une journée d’études… Que dire de cette façon de bouleverser ainsi l’école, de chambouler l’approche de la grande difficulté scolaire sans consulter ni les personnels, ni l’Inspection Générale, ni les spécialistes, ni même les instances officielles comme le Haut Conseil àl’Éducation ? Quelles autres professions accepteraient d’être ainsi méprisées ? Cette façon d’exiger des personnels qu’ils obéissent sans comprendre devrait-elle être considérée comme le modèle éducatif de ce ministère ?

Nous avons quelques mois pour susciter un mouvement ample et uni parmi les enseignants et les parents : il s’agit de préserver l’un des moyens les plus efficaces que nous ayons pour travailler àla réussite de tous les enfants. La FNAME peut compter sur mon soutien… et sur mon aide.

Amicalement et solidairement. Bien àtoi,

André OUZOULIAS



Treize organisations de la communauté éducative, dont le Sgen-CFDT, signent une lettre de soutien aux RASED, menacés dans leurs moyens, leur renouvellement et leur fonctionnement.

La lettre àtélécharger (pdf ; 339ko)



Lire aussi la lettre au ministre , datée du 30 mai, et l’action commune en Haute-Savoie.


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