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Publié le 7 novembre 2007, modifié le 26 novembre 2012

La nouvelle question scolaire d’Eric Maurin, Le Seuil, 2007

Maurin Eric. 2007. La nouvelle question scolaire, les bénéfices de la démocratisation. Le Seuil.

Eric Maurin, économiste et sociologue, démontre les bénéfices de la démocratisation scolaire, avec toute la rigueur propre àl’économie empirique : courant de recherches qui accorde la primauté àl’analyse méticuleuse des faits et qui traque, dans les ruptures et les discontinuités de l’histoire institutionnelle et économique de sociétés, les traces des lois fondamentales qui les régissent.

La création du collège unique n’a pas fait baisser le niveau général des élèves. Elle n’a pas conduit àla dévalorisation des diplômes. Le marché de l’emploi n’est pas arrivé àsaturation pour les personnes qualifiées, bien au contraire.

Les bénéfices de la démocratisation de l’enseignement

Eric Maurin se base sur l’évaluation de plusieurs politiques nationales d’ouverture des systèmes scolaires. Sa conclusion : la démocratisation de l’école permet de répondre àun double objectif de justice sociale et d’efficacité économique. Les inégalités de destin entre enfants de milieux sociaux différents se trouvent résorbées et le surcroit de formation ainsi engendré permet d’améliorer la prospérité de l’ensemble du pays.

A cet égard, le bilan tiré des expériences scandinaves, anglaise et irlandaise apparait clairement positif. C’est avec la Suède, la Norvège et la Finlande que la démonstration est la plus convaincante. En effet dans ces pays les réformes du système scolaire ont ainsi d’abord été expérimentées localement, ce qui a permis de comparer la situation d’enfants ayant bénéficié de la réforme àla situation de l’ensemble des élèves n’en ayant pas bénéficié. Une évaluation méthodique des résultats de ces politiques a conduit àleur généralisation.

Le collège unique, facteur favorable àl’insertion professionnelle

Malheureusement en France, les politiques scolaires n’ont jamais été conçues en même temps que la possibilité de les évaluer. Les réformes françaises furent plus tardives, plus laborieuses et finalement moins abouties. Quoi qu’il en soit, l’ouverture de l’enseignement dans les années 1960 et 1970 a surtout permis l’accès des classes populaires àl’apprentissage technique, diminuant ainsi le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans formation, dont on sait qu’ils sont le plus exposés au risque de chômage. Ce mouvement ne s’est, en revanche, jamais accompagné d’une véritable ouverture de l’enseignement général, alors que les pays qui se sont engagés dans cette voie ont obtenu des résultats intéressants.

Certes, la France a connu la loi Haby en 1975. Mais c’est seulement au cours des années 1980 que l’orientation précoce en fin de 5e est progressivement abandonnée. Et notons que le collège unique s’est fait « en conservant pour l’essentiel les programmes du système sélectif qui avait précédé  ». Les redoublements, spécialité française, se sont multipliés depuis lors, générant des retards « couteux et improductifs.  » Et aujourd’hui, des établissements maintiennent encore des classes de niveau, par exemple par les options.

Cependant, l’analyse minutieuse de l’impact de la création du collège unique permet àEric Maurin d’aboutir aux mêmes résultats que dans les autres pays. Les politiques de démocratisation de l’enseignement scolaire, lorsqu’elles ont eu lieu, ont incontestablement amélioré la qualité de l’insertion professionnelle des générations auxquelles elles ont profité.

Alors pourquoi le mouvement de démocratisation de l’enseignement français est-il si vivement remis en cause, notamment par la critique fournie du collège unique ?

Partout, l’ouverture du système scolaire a produit le même mouvement d’arrivée dans les classes de nouveaux élèves de milieux modestes, moins soutenus par les familles. D’où le constat, très répandu chez les enseignants, de baisse généralisée du niveau. S’il est incontestable que des classes plus hétérogènes sont plus difficiles àgérer, il ne suffit pas de comparer le niveau des élèves, appartenant àla petite élite àlaquelle étaient réservés les bancs de l’école avant la réforme, au niveau des élèves, plus nombreux, après la réforme. Eric Maurin compare le niveau général de l’ensemble d’une classe d’âge avant réforme, àcelui des cohortes qui en ont bénéficié. Il y a bien augmentation du niveau de qualification de l’ensemble de la population, et l’insertion professionnelle s’en trouve améliorée, en particulier pour les classes les plus populaires. L’on reproche aussi fréquemment àla démocratisation de l’enseignement de n’avoir pu endiguer le chômage des jeunes. Làencore, Eric Maurin procède àl’analyse minutieuse de l’insertion professionnelle des générations ayant bénéficié des politiques d’ouverture du système éducatif, qu’il s’agisse de l’allongement de la durée de la scolarité obligatoire ou encore de la fin de l’orientation obligatoire àl’issue des années d’école primaire. Il constate qu’en France, les réformes successives ont permis la baisse significative du chômage d’insertion des jeunes.

Si les bénéfices sociaux de l’éducation sont indiscutables pour ceux qui sont directement concernés, ils le sont également pour leurs enfants. Ainsi, des études ont montré l’impact positif sur la santé des enfants que les femmes mettent au monde plus tard. De même, l’augmentation d’un an de la scolarité obligatoire a un impact significatif sur la baisse du taux d’incarcération. Mieux vaut ouvrir les écoles que construire des prisons… Victor Hugo le disait déjà !

Un système éducatif ouvert au plus grand nombre, de la maternelle au supérieur

Les Etats ont donc un intérêt évident àinvestir dans un système éducatif ouvert au plus grand nombre. Partout dans le monde, les économies sont en demande de personnels de plus en plus qualifiés.

Au-delàde la question de l’ouverture de l’enseignement secondaire, la fin du livre nous invite ànous interroger également sur les deux extrémités de la chaine éducative : l’école maternelle, àla fin de laquelle « l’essentiel des hiérarchies scolaires est quasiment déjàen place  », mais aussi l’enseignement supérieur. Celui-ci ne doit pas être réservé àune petite élite, mais accessible au plus grand nombre : c’est seulement au sein de ce dernier cycle que devrait se poser la question de la diversification des trajectoires.

Pour lui permettre de s’adapter àl’augmentation nécessaire du nombre d’étudiants, la question du financement de cet enseignement ne pourra plus être éludée. Pour Eric Maurin, les études supérieures bénéficient d’abord àcelui qui les entreprend et lui permettent de réussir son intégration professionnelle. Pourquoi alors ne pas faire payer une partie de cet enseignement aux ex-étudiants eux-mêmes ? C’est la voie qui a été choisie, avec succès, par l’Australie ou la Grande-Bretagne : lorsque la situation professionnelle de l’étudiant est stabilisée, une fraction progressive de son salaire sert àfinancer l’université qui lui a permis de trouver un emploi. S’il perd son emploi, le remboursement est interrompu. Un tel mode de financement semblerait particulièrement légitime dans notre pays caractérisé par un système dual d’enseignement : d’un côté, les grandes écoles, qui bénéficient très majoritairement aux classes les plus aisées et représentent un investissement massif de la nation ; de l’autre côté, l’ensemble des universités, souvent surpeuplées et médiocres.

Que penser, dans ce contexte, des réformes visant àaccroitre l’autonomie des établissements, le libre choix des parents, instaurant ainsi une forme de concurrence dans le domaine scolaire ? A la lumière de l’analyse d’expériences semblables en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Chili, il semble pertinent de penser que pour les établissements, cela se traduirait par des stratégies de recrutement des meilleurs élèves, conduisant au final àune hiérarchisation des écoles en fonction de la valeur des élèves… c’est-à-dire du niveau social des parents… Une concurrence profitable reposerait plutôt sur l’incitation des établissements àmieux mobiliser leur personnel enseignant pour la réussite de leurs élèves. Ni par des primes ni par un encadrement trop dirigiste, mais par une démarche, pour l’auteur, « plus réaliste et plus efficace  », consistant à« laisser aux équipes pédagogiques d’importantes marges de manoeuvre dans leur organisation et la gestion de leur budget (…) En contrepartie, l’école fait l’objet d’évaluations publiques systématiques. Il s’agit de progresser vers une concurrence raisonnée et informée en lieu et place de l’actuelle compétition sauvage, mal-informée et finalement contre-productive.  »

C’est aussi en se basant sur des statistiques précises qu’Eric Maurin met en évidence l’importance de la formation pédagogique des maitres… àtous les niveaux. Il rappelle que la France est le seul pays d’Europe (avec le Luxembourg) àrecruter ses enseignants du secondaire sur concours avant même qu’ils n’aient reçu de véritable formation pédagogique. L’un des grands défis de la démocratisation de l’enseignement supérieur réside sans doute dans le taux élevé d’échec àl’université. Eric Maurin nous propose en conclusion plusieurs pistes de réflexions, expérimentées dans des pays confrontés aux mêmes difficultés : cours de remise àniveau, ou encore incitations financières pour les enseignants et les étudiants.

Mais il faudra sans doute aussi améliorer l’orientation àla fin du lycée, et opérer un rééquilibrage entre filières sélectives et non-sélectives. On sait qu’aujourd’hui, les bacheliers des classes les plus modestes choisissent plus souvent que les étudiants des classes favorisées des filières où l’échec reste massif et les débouchés peu nombreux. Or un enseignement supérieur de qualité est utile àtous.

Laissons conclure l’auteur :

« Qu’on le veuille ou non, l’école n’est ainsi pas simplement un lieu où se transmettent des connaissances. C’est également une institution où se façonnent les dispositions ultérieures àvivre en harmonie et en confiance avec les autres, ou au contraire en compétition avec eux et dans la défiance àleur égard. (…) On oppose rituellement l’instruction (la transmission des savoirs, la face noble de l’école) àl’éducation (le savoir-vivre en collectivité, la face vulgaire), quand toute instruction est indissociablement Å“uvre d’éducation. Devant le désarroi croissant de leurs jeunesses, c’est bien ce que semblent être invités àredécouvrir les pays qui poussent le plus loin dans l’enfance la logique de la sélection et de la concurrence.  »

M.-H. Peyret




Présentation à télécharger (pdf, 95Ko).
Lire aussi :
Rencontre avec Eric Maurin (Sciences humaines).
Entretien avec Eric Maurin (Cahiers pédagogiques).



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